C’est en furetant dans une librairie, que j’ai découvert le dernier roman de l’albanais Kadaré. Par hasard. Sa sortie est peu médiatisée et ne remplit pas les pages des critiques. Si j’ai reconnu son nom, c’est grâce à la passion de ma sœur pour ses romans et les Balkans. Alors j’ai tourné le volume et lu le résumé :
« Il est question ici d’un accident dans l’acception littérale du mot : un taxi quitte la route et plonge dans un ravin, il y a deux tués, un homme et une femme, un couple d’amants à l’évidence ; quant au chauffeur survivant, il est bien incapable d’expliquer la cause de l’accident.
Il semble que cette cause ait un rapport avec ce qu’il a vu ou cru voir dans son rétroviseur. Mais il n’est pas en état de préciser ce qu’il a vu au juste, ni même de dire qui étaient les deux passagers, où ils se rendaient et pourquoi, tout, chez eux, paraissait si indéchiffrable.
Une histoire d’amour peut sembler la chose la plus banale qui soit au monde, mais peut aussi apparaître comme inextricable. Des millions d’individus ont beau en faire l’expérience chaque jour, rien ne permet d’en résoudre l’énigme. On finit par croire qu’en cela même réside son pouvoir. A l’immémoriale question "L’amour existe-t-il ou n’est-il qu’une illusion ? " fait à présent écho cette autre interrogation : "S’il existe, peut-il se raconter ?"
Dans cette œuvre magistrale, Ismail Kadaré a tenté de raconter l’irracontable : une histoire d’amour ou l’histoire d’un meurtre, voire une tout autre histoire les recouvrant toutes deux tel un masque ? Jusqu’à la fin, la question ne cesse d’obséder le lecteur. »
Le sujet m’a donc intriguée. C’est avec curiosité que j’ai entamé sa lecture, et je ne fus pas déçue. Le résumé de l’éditeur cerne bien l’intrigue mais ce qui fait la force de ce livre ce n’est pas seulement sa fable, c’est son mode de narration. Ce roman ouvre la parole à divers personnages sans jamais ménager de transitions au lecteur. L’incipit se présente comme une simple exposition d’un accident inexplicable, sans logique. Les enquêteurs s’interrogent sur son contexte. Mais rien ne semble vouloir rassurer la logique. Kadaré n’oublie pas de mêler à son roman les marques de son pays et les sulfureuses inquiétudes des Balkans. Au fur et à mesure des pages, il distille quelques anecdotes sur la poudrière de l’Europe. Petites anecdotes qui ont bien leur place dans l’histoire ; même si elles semblent se désolidariser de l’action, elles sont bien un fil ténu à l’ambiance qui se tisse tout le long de l’intrigue. Puis s’ouvre un récit polyphonique où chaque personnage s’empare peu à peu des mots. Le mystère s’épaissit pour le lecteur qui se faufile dans la conscience des héros. Les interrogations, l’inquiétude alternent avec l’impression de tenir la clé de ce drame. Ce mélange des voix nous laisse pénétrer l’intimité. Mais Kadaré sait suspendre cette intrusion pour nous laisser à temps sur notre faim.
L'accident, Ismaël Kadaré, Fayard 2008
1 commentaire:
Le changement de police fait bizarre, mais sinon, c'est intéressant !
Enregistrer un commentaire